La Colombe Grise - Harqad

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bateau Pendant les heures précédent l'aube, le village de Khal capitula enfin devant la chaleur de la veille. Le soleil, se levant dans à peine deux heures, offrait un bref répit aux citoyens, leur permettant de travailler à l'abri de la transpiration quotidienne. Bien que la plupart des marchands commencent leur journée de travail à cette heure indue, Harqad se levait en général encore plus tôt.

Né à Khal, Harqad était habitué à la chaleur. Il était coutumier du fait que même les plus petites tâches pouvaient devenir laborieuses à certaines températures. Ne rechignant pas à la besogne, ses mains portaient les stigmates d'un homme ayant passé sa vie à tirer sur des cordes et à travailler le bois. Son visage ravagé par les intempéries témoignait de longues heures passées sur les océans. Il ne naviguait pas sur les grandes galères telles qu'on en voyait sur le port. Ni sur les petits vaisseaux rapides des compagnies marchandes. Il possédait son propre navire, ce qui était assez inhabituel sur les quais de Khal. Il prenait la mer comme un moineau son envol, voyageant là où le vent le poussait.

Harqad gagnait sa vie correctement, en transportant de petites cargaisons de Khal vers les modestes communautés de pêcheurs le long de la côte de Qalia. La taille de son boutre lui permettait de voyager là où des grandes galères ne le pourraient pas. Les petits bras de mers et voies fluviales n'étaient pas un obstacle pour l'élégante embarcation. La plupart des tractations vers les communautés de l'intérieur se faisaient par voie terrestre à dos d'animaux, ou plus récemment, pas de grandes caravanes de chariots. Mais quelques mois auparavant, il avait pu effectuer un voyage lucratif à l'est le long de la rivière Qa, juste au nord de Mekalia, prenant quelques jours d'avance sur les caravanes. Bien que les gnomes de Mekalia soient connus pour leur manque de fiabilité et leurs tricheries, Harqad reçut une somme décente pour sa cargaison de lin, principalement en raison de sa nature aimable et de son don de négociateur.

Lors de son retour à Khal, Harqad raconta son histoire dans les tavernes et les entrepôts. Depuis, d'autres tentèrent la traversée, mais seuls ceux avec de petits vaisseaux pouvaient y arriver. Toutefois, cela n'était pas suffisant. La voie était traître, parsemée de rapides et d'étroits passages n'attendant que le marin novice imprudent. Le vent devait également être favorable afin de pouvoir naviguer à contre-courant le long des contreforts, ce qui n'arrivait que pendant quelques semaines chaque été.

Harqad vivait décemment dans tous les sens du terme. Il n'était pas colérique, plutôt aimable. Sa grand-mère l'avait surnommé "Colombe" à cause de son calme et de son bon cœur. Harqad avait aussi la chance de pouvoir subvenir à ses besoins. Sa maison, bien que modeste en comparaison de celles des riches capitaines des flottes marchandes, se situait entre les murs de la ville et une grande maison marchande. Son emplacement la protégeait de la grande canicule estivale. Elle n'était pas luxueuse, mais bien aménagée, et il en prenait grand soin.

Un marin ne prête pas trop d'intérêt à toutes ces histoires de statut et de richesse. Avoir de quoi manger et maintenir son boutre en bon état suffit à son bonheur. Ce bateau, affectueusement baptisé "La Colombe Grise", était au centre de son existence. Son monde était relié à la "Colombe", que ce soit en se battant contre le vent afin d'atteindre le port avec sa cargaison, ou par le doux bercement de son lit qu'il plaçait sur le pont afin de contempler les étoiles par une belle et calme nuit. Elle était son compagnon de voyage, pas seulement en terme de distance, mais aussi de voyages qui lui apportaient la plénitude. Il se sentait en paix à se tenir ainsi sur les ponts de cèdre battus par les vagues.

Harqad sortit une simple chemise en lin sans manche et un solide pantalon. Ses pieds, habitués à la rigueur de la vie en mer, étaient en général nus, mais ce matin il portait une paire de sandales en cuir. Il se coupait les cheveux courts, pas plus de deux ou trois centimètres de longueur, et se rasait régulièrement, contrairement à la plupart des marins.

Il prit un petit déjeuner composé d'un bol de porridge froid et d'un morceau de pain. Harqad mangea rapidement puis partit pour le port. Pendant le trajet, il pouvait entendre les activités des marchands et des marins dans leur maison ou magasins, préparant leur journée.

Il passa à côté de quelques marchands préparant leur échoppe afin de vendre du pain fraîchement pétri ; il les salua rapidement et en retour ils le remercièrent et lui envoyèrent une orange. Alors qu'il atteignait les docks, il entendit un sifflement strident, et il se retourna pour voir le maître du port Jalel lui faire signe de l'autre côté d'un petit bureau le long des docks.

"Bonjour, Harqad," lui lança Jalel. "Sais-tu qu'un affréteur demande à ce que des marchands se rendent à Ahgram ?"

"Non, je ne savais pas. Qui a fait la demande cette fois ?"

Jalel s'adossa à sa chaise, posant ses mains sur son énorme ventre et commença à rire doucement.

"Ceci, mon ami, est la partie la plus drôle. Il n'a rien appris de ses nombreux échecs. Qaraf essaye toujours de tirer son épingle du jeu.

Harqad regarda Jalel. "Je croyais que sa licence commerciale avait été révoquée. Comment peut-il encore avoir une entreprise ?"

"Elle l'était. Tu te rappelles qu'il a épousé la veuve de Fatis ? Il a conservé une licence commerciale par ce mariage. Qaraf en a fait la demande pour l'entreprise de Fatis. Les marchands se sont donné le mot la nuit dernière et beaucoup veulent en être." Jalel rit doucement. "Enfin, jusqu'à ce que quelqu'un leur dise qui était vraiment l'affréteur."

"Ce quelqu'un, c'était toi ?"

"Peut-être," répondit Jalel, plié en deux de rire. Des larmes de joie coulaient de ses yeux.

"Mon ami, tu ne crois pas que tu l'as assez puni ? Deux ans se sont écoulés depuis cet incident."

"Incident ?" s'exclamat Jalel. "Ce n'était pas un simple… incident. Il peut s'estimer heureux que je ne l'aie pas tué."

"Fais attention, on peut nous entendre," répondit Harqad avec prudence, regardant autour d'eux.

"Ca m'est égal. En tout cas, en ce qui me concerne. Tu sais combien il m'a coûté ? J'étais presque ruiné. Enfin, après sept ans, j'ai pu payer ma dette. J'allais me remettre à flot. Alors il a pris mon argent, mon bateau, et je me suis retrouvé de nouveau coincé."

"Eh bien, il n'est pas le seul fautif," lui dit Harqad. "Tu lui as donné ton argent tout en connaissant son passé."

"Bah, tu es bien comme les autres !" s'exclamat Jalel. "Il m'a arnaqué ! Je n'arrive pas à croire qu'il soit encore en vie."

"Alors quand est-ce que tu penseras avoir eu ta revanche ?"

"Quand il sera mort."

"Peut-être bientôt alors."

"Jamais assez tôt." Jalel attrapa sa plume et commença à écrire dans son registre. "Je mets quoi pour ta destination aujourd'hui ? Tu as une cargaison ?"

"Pas de cargaison aujourd'hui," répondit Harqad en souriant. "Quant à la destination, aucune idée. Je pense que je vais longer la côte."

"Tu es sûr de ne pas vouloir te joindre au voyage de Fatis ?"

"Je serais bien incapable d'en payer le prix."

Jalel le regarda, perplexe. "Le prix ?"

"Bien sûr." Harqad esquissa un petit sourire. "Devoir fuir les mercenaires que tu enverrais à ma poursuite pour avoir fait des affaires avec ton pire ennemi m'empêcherait de dormir de nombreuses nuits, mon ami." Harqad fit un clin d'œil à Jalel.

"Mon ami," s'exclama le maître du port en riant, "tu tentes le diable je dirais. Tu remarqueras mon courroux bien assez tôt." Jalel rit de plus belle, puis dit au revoir à Harqad d'un signe de la main. "Maintenant, dégage, sors ton horreur de bateau de mon port."

"La Colombe Grise est un vrai petit bijou. Peut-être as-tu oublié comme elle m'a permis de te sortir de l'eau le mois dernier."

"Je n'oublie rien," continua Jalel, agitant ses mains. "Prends garde à toi, Harqad. J'attends que tu me racontes tes aventures. Que les vents te soient propices."

Harqad retourna la bénédiction des marins par la réponse habituelle. "Je vais où les vents me portent."

A suivre

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