Vous êtes dans ma chambre

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Le martèlement continua avec des sons irréguliers, qui se turent un instant, avant de reprendre à nouveau. Morgan se leva, et, silencieusement, il avança petit à petit jusqu’à la porte. Si ça avait été Zanadar ou le vieil homme, ils auraient certainement déjà dit quelque chose.

Il s’installa près de la porte. Le lourd battant de bois pivotait sur ses gonds à chaque coup, renvoyant des petits nuages de poussières s’agitant à l’intérieur de la pièce.

« Qui est là ? » cria-t-il avec précaution.

Le tapage s’arrêta immédiatement.

« Je suis », lui répondit une voix haut perchée après un moment.

Ça ne l’aidait pas beaucoup. Morgan fronça les sourcils.
« Que voulez vous ? »

« Tu es dans ma chambre » gémit la voix, pathétiquement.

Morgan émit un soupir de soulagement, et lâcha sa prise sur sa masse. C’était seulement l’ivrogne dont Sascha avait parlé plus tôt. Il tâtonna quelques secondes la serrure, et ouvrit ensuite la porte légèrement, puis regarda à l’extérieur à travers l’étroite ouverture.
Dans la faible lumière du hall se tenait un homme mal au point, semblant nerveux, habillé de guenilles. Ses joues longues et creuses et son visage grêlé lui donnaient une apparence émaciée. Une barbe fine et peu fournie poussait par petites zones autour de sa mâchoire, et sous ses yeux on pouvait voir des cercles noirs. Ses cheveux sales étaient emmêlés au dessus de son front. L’homme était crasseux.

Morgan recula tout de suite, écoeuré. L’haleine chaude de l’ivrogne était putride, et sa puanteur flottait dans l’air.

« Tu es dans ma chambre », répéta-t-il, avec une voix un peu plus agitée.

« Je suis désolée, mais tu te trompes l’ami », répliqua Morgan, essayant de son mieux d’éviter l’odeur. « C’est ma chambre ici, tout du moins pour cette nuit.

« Tu es dans ma chambre ! », la voix de l’ivrogne devenant de plus en plus forte, « sors en tout de suite ! »

« Je suis désolé », dit le ranger en commençant à fermer la porte.

L’homme répugnant interposa son point dans l’ouverture de la porte, avec une force surprenante. Morgan fit un pas en arrière, et lâcha sa masse. Il l’entendit frapper le sol, quelque part derrière lui. Elle roula bruyamment, et s’arrêta finalement.

« Non ! » cria-t-il avec colère au ranger, d’une voix cinglante et emplie de désespoir. « Sors de ma chambre! »

L’ivrogne baissa la tête et avança brusquement en direction de la porte. Morgan repris rapidement son calme et referma la lourde porte. Un son repoussant se fit entendre, faisant frissonner le ranger des pieds à la tête, lorsque l’homme ivre s’est heurté contre l’épais bois. Il entendit l’ivrogne tituber avant de tomber sur le sol en jurant. Morgan rouvrit la porte pour le voir reprendre pied, tentant, en vain, de reprendre l’équilibre. Un filet écumeux de bave s’échappa du coin de sa bouche et s’étala sur le menton du sale homme.
« S’il te plait », dit Morgan, « je ne veux pas te blesser. C’est ma chambre, va t’en. »

L’ivrogne ne prêta aucune attention à la demande de Morgan. Ses yeux étaient éclairés d’une folie frénétique. Il serra les points fermement et, avec une rage aveugle, chargea en direction du ranger.

Cette fois, Morgan était prêt. Il dévia le premier coup, et envoyant les poings de l’homme crasseux s’écraser sur le cadre de la porte. L’ivrogne cria de douleur, une large écharde terriblement enfoncée dans ses articulations. Le ranger poussa le côté du genou qui le faisait se tordre etse déformer inconfortablement. Il fit ensuite un pas en arrière et frappa violement avec son poing l’ivrogne, l’atteignant en pleine mâchoire.
Les hurlements de l’homme saoul stoppèrent immédiatement. Il tomba à la renverse sur le sol, s’effondrant au centre du hall. Morgan jura dans sa barbe et se frotta les mains. Il avait frappé l’homme un peu plus fort qu’il ne le voulait. Il soupira et s’agenouilla près de l’homme. Il n’était pas sérieusement blessé, bien qu’il ne serait pas très content en se réveillant.
Morgan regarda l’homme saoul un moment, en l’examinant. La faible luminosité l’empêcha de bien voir les blessures. Sa mâchoire avait déjà commencé à contusionner et s’enfler – Morgan ne pouvait rien y faire. La main droite de l’ivrogne était salie avec du sang. Il coulait lentement d’entre ses doigts jusqu’au sol.

Deux larges échardes s’étaient séparées de la porte pour se loger fermement dans les articulations de l’homme. Sa main avait des légers mouvements convulsifs, et le sang commençait déjà à coaguler autour des éclats de bois. Morgan s’inclina pour se rapprocher afin d’inspecter la main blessée. Les échardes n’étaient pas très profondément enfoncées et pouvaient être assez facilement enlevées. Les blessures auraient pu être bien pires, l’ivrogne était chanceux que Morgan n’était pas plus fort.

Avec une main habile, Morgan fit doucement tourner l’une des pièces de bois et la libéra de la main de l’homme. Il tint l’écharde aux bords déchiquetés dans la paume un moment. Elle semblait presque entièrement intacte. Rien ne s’était cassé et était resté à l’intérieur de la main de l’ivrogne. Il se débarrassa du bout de bois, et enleva le second de la même manière.
Quand il eût fini, il reposa le bras de l’homme sur le plancher. Morgan s’assit sur ses genoux et pensa un moment. « Je ne peux pas te laisser là », dit-il. Morgan examina la zone, ses yeux se posèrent sur la pièce noire, au bout du hall d’entrée. « Tu viens sûrement de là, je vais t’y remettre ».

Le ranger se leva, plaça ses mains sous les bras de l’ivrogne, et poussa l’homme inconscient en bas du hall jusqu’au bord de la salle commune. Il pouvait entendre des ronflements s’évader des ténèbres, donnant l’impression qu’il y avait déjà de nombreuses personnes endormies dans la pièce. Il positionna doucement l’homme le long du mur. « Voilà », dit-il en se levant.
Morgan retourna dans sa chambre, et ferma la porte derrière lui. Il enleva ses bottes, et s’effondra brusquement dans son lit.

***

Le matin arriva bien plus tôt que Morgan ne l’aurait aimé. Il fut réveillé par un lourd bruit frappé sur sa porte. Il s’assit sur son lit et bailla. Il faisait encore noir dehors. Le bruit continua. Morgan se glissa hors du lit, et repris silencieusement sa masse qui était posée au sol. Il marcha précautionneusement jusqu’à la porte, se préparant.

« Qui est ce ? », cria-t-il.

« C’est moi », lui répondit la voix de Zanadar.

Morgan relâcha son arme, soulagé. Il fit tourner la clef dans la serrure, et poussa la porte pour qu’elle s’ouvre. Zanadar se tenait dans le hall. Il était déjà entièrement prêt : il portait son armure, et un sac à dos d’une taille convenable, qui semblait presque plein. Il sourit à Morgan singulièrement.

« Tu attendais quelqu’un d’autre ? » demande l’homme imposant.

Morgan lui jeta un regard confus.

« À moins que ça ne soit pour moi » dit-il, en montrant la masse, « auquel cas je te proposerais juste de retourner au lit, si c’est pareil pour toi. »

« Ah, ça », répliqua Morgan, baissant son regard dans le noir en direction de l’arme dans sa main. « Longue histoire ».

« Je suppose », dit le vieil homme avec un sourire, alors que Morgan reposait sa masse sur le lit et s’asseyait pour mettre ses bottes. « Est-ce que ça a quelque chose à faire avec le sang sur le sol juste là, et l’homme mal en point avec le visage enflé, qui est maintenu contre le mur ?

Morgan recula. « Tu savais ce qu’il s’est passé avant même de venir ici », l’accusa-t-il.

Zanadar haussa les épaules, et continua de sourire étrangement.

« Il semble si mal ? » demanda le ranger.

« Oh, il paraît tout simplement affreux, mais tu es juste responsable des bleus sur son visage. Je pense que son habitude de trop boire, et une mère affreuse à en faire peur, y sont pour le reste. »

« Et sa main ? »

« Elle va bien, juste quelques petites coupures. Tout de même, comment ça c’est arrivé ? Ces blessures bien ouvertes étaient curieusement faites, presque comme avec des dents. »

« Il a donné un coup de poing à la porte. »

« .. Et elle l’a mordu ? »

« En quelques sortes », répondit le ranger en finissant de lacer ses bottes.

« Eh bien », dit Zanadar en tenant un gant de maille, « je suis heureux de le porter. »

Morgan retira sa masse du lit, et la plaça à nouveau dans son sac. Il se leva et accrocha les sangles par-dessus son épaule. « Tout est prêt, allons y. Elandar est en bas, nous attendant, je suppose ? »

« Tu supposes bien. »

Les deux hommes sortirent de la pièce et allèrent de nouveau dans le hall. L’ivrogne était toujours étendu le long du mur, près de l’entrée de la pièce commune. Il était endormi, et respirait bruyamment pendant que sa poitrine se soulevait et retombait. Morgan ferma la porte à clef.

« J’espère qu’il n’est pas trop blessé », dit-il.

« Ne t’inquiète pas de ça, Morgan », répliqua l’homme imposant, « ça serait arrivé de toute façon vu tout le bruit qu’il faisait. »

Morgan se tourna. « Tu l’as entendu ? »

« Comment j’aurais pu ne pas ? »

« Et tu n’es pas venu pour aider ? »

Zanadar haussa les épaules. « Tu semblais avoir la situation sous contrôle. Tu n’avais pas besoin que je me mette dans le chemin. »

« Merci », répondit sèchement Morgan.


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